Q’importe où vous buvez, le lieu sera toujours le mȇme

Je me souviens la première fois que j’ai eu peur dans ma vie

The following is a chapter of my book Welcome to Hell World: Dispatches from the American Dystopia available here. If you’d like to read it in Spanish you can do so here or English here.

Traduit par Angelika Pokovba

Ma sœur qui dorénavant ne boit plus a écrit une histoire vraie il y a quelques années à propos de notre grand-mère. Shirley Madden passait souvent ses vacances dans une petite ville appelée Round Pond en Maine. Elle et mon grand-père avaient achetés une petite maison là-bas après s’être mariées. Mon grand-père est mort relativement jeune donc je n’ai pas trop de souvenirs lorsque j’essaie de penser à lui je me souviens du jour où, petit, j’ai été malade dans leur vielle grande ferme. Il m’avait acheté du ginger ale pour calmer mon estomac et je me suis endormi sur le canapé près de la cheminée, là où les corbeaux venaient. Je me souviens m’être réveillé pour prendre une gorgée, la canette était remplie de fourmis. Il m’a fallu un instant pour comprendre ce qui se passait et j’en ai recraché autant que je le pouvais mais beaucoup d’entre elles avaient déjà été avalées.

Je pense que mon grand-père était le deuxième homme qu’elle a aimé. Jusqu’à ses
80 ans elle nous parlait de son premier amour qu’elle n’avait jamais épousé. Elle mourut dans un lit d’hôpital dans notre maison proche non loin de la maison lieu où elle avait passé sa dernière décennie à boire du gin. Je crois qu’elle s’est demandée toute sa vie comment les choses auraient pu être différentes. Je n’ai pas de photo de mon grand-père avec moi mais j’en ai une de ma grand-mère avec son premier amour dans un petit cadre qu’elle m’a envoyé ce qui me fait penser à une sorte de trahison, désolé mais tel est mon sentiment. On les voit tenir tout deux tenir un ukulélé et elle a une fleur dans les cheveux. Je ne pense pas qu’elle n’ait jamais eu l’occasion de voyager beaucoup mais je pense qu’elle est allée en Californie une fois. C’est peut-être de là que vient la photo. C’était le plus loin où elle n’est jamais allée.

Au dos du cadre il y a un morceau de papier attaché qu’elle a dû couper dans ​Reader’s Digest ou quelque chose du genre où il est écrit : « La vie n’est pas un voyage vers la tombe avec l’intention d’arriver en toute sécurité dans un corps aussi joli que bien préservé. Mais plutôt que ce dernier soit usé et totalement épuisé en proclamant : Wow, quel tour ! »

Elle m’a toujours envoyé des conneries comme ça, des affirmations positives, sorte de pensées magiques. Je n’y ai jamais prêté attention car je n’apprécie jamais les gens de mon entourage tant qu’ils sont encore en vie.

Parfois je parle avec des gens qui ont vécu jusqu’à leur grand âge de la même manière que lorsque l’on vient de terminer un marathon ou de gravir une montagne. Oh wow, cela doit être beaucoup d’efforts. Et ensuite, ils vous expliquent à quel point c’est une expérience aussi difficile qu’enrichissante. Vous dites que vous le ferez un jour même si vous savez éperdument que vous ne le ferez pas mais vous le dites quand même.

L’été nous allions dans le Maine quand nous étions petits et j’ai eu l’habitude d’y retourner régulièrement. Je n’y ai pas été depuis des années, ma mère et ma tante me
disent à chaque fois que ma femme et moi devrions venir car c’est tellement différent maintenant. Je réponds que nous viendrons mais nous n’irons pas alors que pourtant je n’ai pas de raisons particulières pour ne pas y aller.

Une année ils ont filmé là-bas un film intitulé ​Message In a Bottle​ avec Kevin Costner ce qui était très excitant pour eux vous pouvez l’imaginer car il n’y avait même pas des feux de circulation en ville et ils avaient maintenant un type qui connaissait Julia Roberts. Ma grand- mère encouragerait ma sœur pendant des années à essayer d’écrire un message dans une bouteille avec ses propres enfants comme ils l’ont fait dans le film. Elle ne l’a jamais fait parce que personne n’écoute leurs grands-parents tant qu’ils sont en vie.

Je me souviens la première fois que j’ai eu peur dans ma vie, c’était ce moment où je buvais les fourmis. J’étais chez mon autre grand-mère, mes cousins et moi avions décidé de regarder le film ​Poltergeist.​ Je me souviens de la crainte que tout ce qui étaient l’intérieur de la maison ne s’animent et tentent de nous entraîner dans le cimetière. C’était la chose la plus horrible que je puisse imaginer. Avec cette poupée. Cette putain de poupée.

J’ai couru dehors paniqué et la porte a claqué sur mon pied laissant une cicatrice, qui peut ne plus être là maintenant je n’ai jamais pensé à vérifier. Cette grand-mère est morte relativement jeune suite à la cigarette et son mari était mort avant que je ne le connaisse mais apparemment c’était une vraie merde alors ce n’est pas mon problème. Bon en vrai c’est mon problème mais vous voyez ce que je veux dire. Trois de ses enfants incluant mon père sont tous morts vers l’âge de 60 ans à cause d’une trop grosse consommation d’alcool, de drogues et d’autres merdes accumulées. L’un de ses enfants, a connu le succès, nous étions tous fiers de lui. Il est mort dans une piscine alors que toutes ces merdes ne l’ont pas tué pas directement, il meurt tragiquement se noyant. Du côté de la famille de mon beau-père, tout le

monde a tendance à vivre dans les 90 ans mais beaucoup d’entre eux semblent avoir la leucémie. Avec ce capital de gènes pas facile de choisir les meilleures options.

Parfois je parle avec les gens de mon entourage qui ont eu le cancer de la même manière que lorsque quelqu’un revient d’un endroit horrible et vous ne leur posez pas trop de questions parce que vous n’êtes pas sûr de vouloir savoir : Oh wow comment était l’enfer ?

J’ai eu la chance de voyager dans quelques pays du monde pour le boulot d’y écrire, et c’est en théorie, c’est ce qui vous sort de la routine. Vous découvrez de beaux endroits, vivez de nouvelles cultures et visitez des musées, des merveilles géologiques et tout ce que les sites de voyage annoncent. Cela est vrai d’une certaine manière mais plus encore, d’après mon expérience, il s’agit d’une série d’opportunités de boire les choses que je ne boirais pas normalement et d’une façon plus excitant que je n’aurais pu le faire. C’est peut-être parce que j’ai passé tant d’années à écrire sur la gnole et à essayer d’expliquer aux lecteurs son goût et sensations mais vous le savez déjà. Partout est le même endroit quand vous buvez, c’est l’endroit où il boit.

Une autre chose que je faisais à chaque fois voyage, c’est de trouver un moyen de continuer à faire de l’exercice de façon compulsive peu importe ce qu’il se passe. Si je ne fais pas attention je vais finir par me blesser de façon permanente, je me suis ruiné le dos et les abdominaux au point où je ne peux plus rien faire à part nager. Une chose qui fait du bien à la douleur c’est de boire je peux vous le dire. Vous sentez la douleur dans votre corps et vous versez une pinte de whisky dessus et elle s’en va jusqu’à demain.

Quand ma grand-mère est morte nous sommes allés à Round Pond pour disperser ses cendres sur la cote le long de la côte escarpée. Ma sœur et ses enfants ont finalement écrit la lettre qu’elle attendait et l’ont jetée à la mer. Cinq ans plus tard, à l’anniversaire de sa mort la bouteille s’échoua à Scituate, dans le Massachusetts, où elle avait passé le reste de sa vie. Un mec l’a trouvé et a appelé ma sœur et nous étions tous comme en mode « putain mais c’est quoi ce bordel ?! ». Quelques années plus tard le 9 novembre le jour même où ils ont trouvé la bouteille nous avons découvert notre sœur aînée que nous n’avions donc jamais connue, que notre grand-mère avait fait abandonner à ma mère 40 ans plus tôt. Elle pensait que ma mère était trop jeune pour avoir un enfant car elle était une enfant elle-même. Ma sœur aime boire comme moi et nos parents en fin de compte. ​Les chiens ne font pas des chats.

J’avais l’habitude de penser que boire et me droguer m’emmenait autre part. Pas dans le sens tripper, je n’ai jamais aimé ce type de drogue mais dans le sens où elle éveille une partie de moi qui vit à l’intérieur et qui pour gère la logistique pour moi. Une sorte d’agent de com’ ou d’agent de voyages qui me dit d’aller dans des endroits pour sociabiliser où je n’aurais pas été en temps normal. Mais cela ne dure pas longtemps et finalement je fais exactement le contraire, en reste assis à ma place. Je bois sous mon porche la nuit la plupart du temps seul et ma femme est assise à l’intérieur en buvant sur le canapé et ma mère est assise dans sa chambre en regardant la télévision en train de boire et mon beau-père est dans l’autre pièce en train de boire et personne ne va nulle part.

Les gens aiment parler de leurs projets et essayer des nouvelles choses. Mes amis comiques parlent souvent du nombre de personnes qui leur ont dit qu’ils devaient essayer du stand up. Les fans de musique sont fascinés par la vie de baroudeur et veulent savoir ce que cela fait de

jouer des spectacles. Les gens me disent qu’ils vont commencer à aller à la salle ou qu’ils envisagent de se faire tatouer quand ils voient un des miens. A cela je dis « Faites-le, arrêtez d’y penser et faites-le ». D’une manière plus agréable mais l’idée reste la même. Mais les gens ne le font pas. Ils ont peur de ce qu’ils pourraient découvrir sur eux-mêmes s’ils partent du même endroit où ils se trouvent actuellement.

A quoi ressemble là ou je ne suis pas ? Est-ce que les gens là-bas font des choses qui pourraient me plaire où pas? En tant que personne qui a écrit si souvent sur les voyages je sais qu’entendre cela de quelqu’un ce n’est pas le même chose si vous l’avez fait vous-même.

Parfois, je parle à mes amis qui sont sobres de la même manière que lorsque vous revenez de vacances d’un endroit sympa où vous avez toujours voulu aller. Oh wow comment était le Japon ? Et ils vous disent à quel point c’est formidable et vous dites que vous le ferez un jour même si vous savez éperdument que vous ne le ferez pas mais vous le dites quand même.